MESSAGE DU Dr Jean PING, PRESIDENT DE LA COMMISSION
DE L’UNION AFRICAINE
A L’OCCASION DE LA COMMEMORATION DE LA JOURNEE
INTERNATIONALE DE LA FEMME
8 Mars 2012
Cette année encore, l’Afrique, par le truchement et la voix de la Commission de l’Union africaine, est heureuse de se joindre à la Communauté internationale qui célèbre annuellement la Journée internationale de la femme le 8 mars. Je souhaiterais à l’occasion de cette commémoration, féliciter et saluer toutes les femmes africaines où qu’elles soient et quelles que soient leurs activités. Je voudrais aussi les remercier de leur abnégation, de leur courage et de leurs efforts de chaque instant dans la lutte quotidienne pour l’amélioration de la vie de leur famille et partant de leur pays et du Continent !
Cette Journée internationale de la femme 2012 est placée sous le thème : « L’autonomisation des femmes rurales et leur rôle dans l’éradication de la pauvreté et de la faim, le développement et les défis actuels ».
Elle offre notamment l’occasion de mesurer les progrès accomplis et de réfléchir aux défis qui subsistent sur la voie vers l’égalité des genres. Il me plaît en ce jour de rappeler le travail effectué par l’Union Africaine en faveur de l'autonomisation des femmes en Afrique.
L’égalité femmes-hommes et l'autonomisation des femmes sont des valeurs fondamentales inscrites dans l’Acte constitutif de l’Union africaine dont l’objectif primordial est de construire une Afrique à l’abri du besoin et à l’abri de la peur, sur la base de l’égalité entre tous les individus quel que soit leur genre. Cet engagement s’est notamment traduit dans l’adoption du Protocole de la Charte africaine des Droits Humains et des Peuples relatif aux droits des femmes en Afrique et de la Déclaration Solennelle sur l'Égalité entre les sexes en Afrique (SDGEA) respectivement en 2003 et en Juillet 2004. Il a été concrétisé sur le terrain dans la mise en place en février 2009, de la première Politique du genre dont la mise en œuvre vise la promotion et la réalisation de l'égalité entre les hommes et les femmes, ainsi que l'intégration des questions de genre dans l'Agenda africain.
2010-2020 a été proclamée par ailleurs, par l'Union africaine, Décennie pour les femmes africaines avec pour thème central "approche locale pour l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes". L'objectif de la Décennie des femmes africaines est de faire progresser l'égalité des sexes en accélérant la mise en œuvre de Dakar, Pékin et les décisions de l'Assemblée de l'UA sur l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.
L'ancrage de l’engagement de l’Union africaine en faveur de l’autonomisation des femmes, s’est aussi poursuivi à travers le lancement, toujours en 2009, du Fonds pour les femmes africaines, un des projets phares de la Commission. Grâce à ce Fonds, la Commission de l'Union africaine mobilise des ressources financières pour soutenir les programmes et projets de développement pour les femmes, combattre la pauvreté et combler l'écart entre les sexes, mettant ainsi un terme à la marginalisation des femmes africaines.
Chaque année, parmi les 10 thèmes retenus pour la Décennie des femmes africaines et qui sont : «
la lutte contre la pauvreté et la promotion de l'autonomisation économique des femmes et de l'Entrepreneuriat (1), l’Agriculture et la sécurité alimentaire (2), la santé des femmes, la mortalité maternelle et le VIH SIDA (3), l'éducation, la science et la technologie (4), l'Environnement et le changement climatique (5), la paix et la sécurité et la violence faite aux femmes (6), la gouvernance et la protection juridique (7), les Finances et les budgets des genres (8), les femmes en position de décideurs (9), l’accompagnement des jeunes gens et des jeunes filles pour devenir des champions de l'égalité des genres et de l'autonomisation des femmes (10) », un thème est identifié en vue de sa mise en œuvre.
Pour 2012, le thème choisi par les Ministres en charge du Genre et des Affaires de la Femme des États membres de l'UA est "Agriculture et sécurité alimentaire". Ce choix s’inscrit dans la démarche globale du continent pour faire face aux défis récurrents de la famine enregistrés dans plusieurs de nos régions. Il concourt aussi à renforcer les voies et moyens pour accroître l’accès des femmes à la terre, à la propriété, au crédit, à la technologie, à l’eau. Les femmes seront liées aux marchés par la valeur ajoutée de leurs produits, entretenant ainsi la chaîne d'approvisionnement agricole et créant de nouveaux marchés pour leurs produits.
Il ne fait aucun doute que 2012 est une année charnière pour l'autonomisation des femmes rurales, notamment en Afrique où elles forment pour la plupart l’ossature des économies agricoles de nos pays. Aujourd’hui, nul ne peut contester les progrès notables accomplis sur la voie de l'autonomisation des femmes rurales en Afrique. Ainsi, l'accès à l'éducation des filles a enregistré un taux d’augmentation à tous les niveaux, des mesures ont été prises dans de nombreux pays pour protéger les femmes et les filles contre la violence, assorties de la mise en place d’une législation visant à promouvoir les droits des femmes, notamment l'accès à la terre. De telles avancées n’auraient pu être enregistrées sans la prise de conscience et l’engagement des gouvernements ainsi que des parlementaires de nos États membres à prendre en compte la dimension genre dans tous les secteurs de la vie de leurs nations avec une mention particulière dans la mise en œuvre du CAADP.
Cependant, beaucoup de chemin reste encore à parcourir pour atteindre les objectifs énoncés dans la Plate-forme d'action de Beijing, la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, le Protocole de l'UA sur les droits de la femme et la Déclaration solennelle sur l'égalité des sexes en Afrique. Aussi bien au niveau mondial qu’au plan continental, la parité hommes-femmes, consacrée par la Charte des Nations Unies en 1945, puis par le 3ème Objectif du Millénaire (promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes) en 2000, semble demeurer encore au stade de l’aspiration dans de trop nombreux domaines.
Ce constat est encore plus avéré en ce qui concerne la condition des femmes rurales qui constituent sur le continent plus de 70℅ de la main d’œuvre agricole et restent des acteurs invisibles, mal protégés et souvent non-payés du tout. Selon l’UNESCO, 80℅ des 67 millions d’enfants qui ne vont pas à l’école, vivent en milieu rural, la majorité étant des filles. Les taux d’analphabétisme dans les régions rurales sont presque deux fois plus élevés qu’en zone urbaine, et encore plus élevés chez les femmes. Cette situation empêche le progrès vers des objectifs de développement et fait obstacle à la croissance économique rurale. La crise alimentaire et économique mondiale de même que les changements climatiques n’ont fait qu’aggraver la situation. On estime par exemple que 60% des personnes victimes de famine chronique sont des femmes et des filles.
Paradoxalement, on parle toujours du potentiel inexploité des femmes dans l’éradication de l’extrême pauvreté et dans l’amélioration de la sécurité alimentaire. Ainsi, des voix autorisées soulignent que si les femmes bénéficiaient du même accès aux ressources productives que les hommes, elles pourraient augmenter les récoltes de leurs exploitations agricoles de 20 à 30%, permettant de sortir de la famine de 100 à 150 millions de personnes.
Nous devons donc poursuivre et renforcer sans relâche les efforts que nous avons engagés comme par exemple, améliorer l’éducation des femmes et des filles en milieu rural, renforcer leur accès aux soins et la protection de leurs droits, ce qui constitue une solution centrale pour atteindre l’égalité des genres et l’éradication de la pauvreté.
La création d’ONU Femmes, Organe des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation de la femme, l’année dernière a été un signal fort lancé par la Communauté internationale quant à sa détermination à avancer dans la concrétisation de ses objectifs. Pour sa part, l’Afrique qui n’est pas en reste, réaffirme son attachement à promouvoir la dignité et la valorisation de la femme ainsi que l’autonomisation des femmes rurales et nous encourageons toute initiative et toute forme d’appui et de soutien dans ce sens. La Commission pour ce qui la concerne, poursuivra ses engagements conformément à la Politique du Genre de l’Union.
Je vous remercie et bonne fête à toutes les Femmes et les filles africaines !