Mondial de handball 2025 : l’exploit historique de l’équipe féminine tunisienne

Il y a des soirs où un score dépasse la simple ligne de statistiques.

Ce Tunisie – Chine (34–28) en fait partie : pour la première fois de son histoire, la sélection féminine de handball se qualifie pour le tour principal d’un Mondial, après dix participations terminées trop tôt. 

Dans un pays où l’on parle beaucoup de foot et de hand masculin, ce sont les « filles », comme les appelle leur coach Pablo Morel, qui viennent de pousser la porte de l’histoire.


De deux claques à un déclic

Le début de tournoi avait tout d’un scénario déjà vu :

  • lourde défaite contre la France (18–43),

  • revers serré mais frustrant contre la Pologne (26–29). 

Avant le match contre la Chine, la Tunisie joue sa survie dans la compétition. Les comptes sont simples : gagner ou rentrer à la maison.

Le match est longtemps accroché : la Tunisie vire en tête d’un but à la mi-temps (18–17), puis fait la différence en seconde période pour s’imposer 34–28 et décrocher la 3ᵉ place du groupe F, synonyme de qualification.

Quelques héroïnes se détachent :

  • Roua Mkaddem, gardienne en état de grâce, enchaîne les arrêts décisifs et est élue meilleure joueuse du match,

  • Hamrouni plante 7 buts et porte l’attaque au moment où il ne faut pas trembler.

Sur le papier, c’est « juste » une victoire contre la Chine.
Dans la réalité, c’est un verrou psychologique qui saute.


« C’est une émotion particulière » : Pablo Morel savoure

Dans les colonnes de L’Équipe, le sélectionneur français de la Tunisie, Pablo Morel, qui a connu des finales européennes en club, met pourtant ce match tout en haut de son palmarès émotionnel :

« C’est une émotion particulière. » 

Il explique que ce projet tunisien l’a attiré justement parce qu’il y voyait la possibilité de « replacer la Tunisie comme une nation forte du handball mondial » et de montrer que ce pays travaille, progresse, et possède une vraie qualité de joueuses. 

Surtout, il insiste sur l’état d’esprit du groupe, marqué par les blessures et les pépins physiques depuis le début du tournoi :

« Ce sont des filles qui jouent avec le cœur. On a cette chance-là d’avoir un vrai engouement, un sentiment patriotique qui est fort. »

On sent dans ses mots un mélange de fierté professionnelle et d’attachement à ce maillot qui n’est pas le sien par naissance, mais qu’il a clairement adopté.

Et après la qualification, il ne s’arrête pas là :

« On aimerait bien pouvoir bagarrer, montrer un beau visage, et peut-être rentrer encore un peu plus dans l’histoire. » 

Autrement dit : le tour principal n’est pas un aboutissement, mais un point de départ.

Une première qui pèse lourd dans l’histoire du handball tunisien

Jusqu’ici, le meilleur résultat de la Tunisie au Mondial féminin restait une victoire en Coupe du Président, le tournoi de classement pour les équipes sorties dès le tour préliminaire. 

Cette fois, les Tunisiennes passent dans un autre monde :

  • elles sortent d’un groupe où figuraient la France, tenante du titre, la Pologne et la Chine,

  • elles terminent 3ᵉ du groupe F derrière la France et la Pologne, et devant la Chine (0 point),

  • elles emportent avec elles au tour principal les points et la différence de buts des matchs contre les équipes également qualifiées. 

Pour un public tunisien habitué à voir le hand féminin rester dans l’ombre, ce parcours change la perspective : on ne parle plus seulement d’une sélection qui “se bat bien”, mais d’un groupe qui pèse vraiment dans la compétition.


Un tour principal relevé : Pays-Bas, Autriche, Argentine

La suite, justement, s’annonce costaud.
La Tunisie est versée dans le Groupe III du tour principal, avec :

  • les Pays-Bas (co-organisateurs),

  • l’Autriche,

  • l’Argentine,

  • la France,

  • la Pologne. 

Le programme des Tunisiennes à Rotterdam :

  • 4 décembre : Tunisie – Pays-Bas,

  • 6 décembre : Tunisie – Autriche,

  • 8 décembre : Tunisie – Argentine. 

Sur le papier, la Tunisie n’a rien d’un favori. Mais ce n’est plus une équipe qui vient « pour apprendre » : c’est une sélection qui arrive avec une victoire fondatrice, une gardienne en confiance, un staff qui a trouvé les bons réglages et un groupe qui a déjà prouvé qu’il savait rebondir après les claques.


Au-delà du score : un message pour le sport féminin tunisien

Ce que je retiens de cette qualification, ce n’est pas seulement le 34–28 affiché sur les bandeaux TV.

C’est tout ce que cette victoire peut déclencher :

  • pour les clubs qui bataillent au quotidien avec peu de moyens ;

  • pour les jeunes filles qui verront ces images et se diront que, oui, on peut rêver de Mondial en partant d’une salle de quartier ;

  • pour le regard médiatique sur le sport féminin, trop souvent traité comme un appendice du sport masculin.

Quand Pablo Morel parle de « sentiment patriotique » et de filles qui jouent « avec le cœur », il touche quelque chose de très tunisien : cette capacité à se transcender dès qu’il y a un enjeu de dignité, d’image, de drapeau. 


Et maintenant ?

Quel que soit le classement final au tour principal, la barre a été placée plus haut pour toutes les générations qui suivront. On ne parlera plus de « première qualification possible » au tour principal : ce sera désormais un objectif minimum dont on sait qu’il est atteignable.

En attendant, on peut savourer :

  • une équipe qui s’est relevée après deux défaites,

  • une génération qui a brisé un plafond de verre,

  • un staff qui a transformé un match couperet en moment d’histoire.

Et surtout, on peut s’accrocher à cette phrase de leur coach, comme un programme pour la suite :

« Montrer un beau visage, et peut-être rentrer encore un peu plus dans l’histoire. » 

Pour une fois, l’histoire a commencé avec la Tunisie, pas sans elle. À nous, maintenant, de la suivre... et de la raconter.

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Crédits photos : Page Facebook Équipes de Tunisie Handball.


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